top of page

Les Franches-Montagne, terre d'accueil.


Il y a plusieurs générations déjà, fuyant les persécutions de l'église, sont arrivés dans les Franches-Montagne les mennonites.

Les mennonites sont un groupement religieux fondé au 16ème siècle, refusant le baptême des nouveaux nés, préférant un baptême plus tardif. Ils refusent également l'usage des armes.

Aujourd'hui, les Franches-Montagne restent une terre fertile pour qui veut mener sa vie comme il l’entend. Paysans, domaines agricoles et équestres cohabitent avec des personnes souvent originale vivant en yourte, en communautés etc...

C'est sur ces terres que deux femmes mènent une vie qui sort de l'ordinaire.

L'autonomie, elles connaissent.

Dans une maison isolée elles cultivent leurs légumes en permaculture, élèvent poules, canards, lapins et brebis desquelles elles produisent un délicieux fromage.

Elles ont un peu de forêt pour leur bois, les travaux de la maison, elles s'en occupent elles-mêmes et filent même la laine de leurs brebis en hiver.

Ce mode de vie est pour elles un chemin de conscience dans leur relation à la vie et à la vie en elles.

Elles ont supprimé ce qui conditionne leur vision du monde : télévision, radio, journaux. Pas de voiture non plus, elles préfèrent se déplacer à pieds et à vélo.

J'ai eu le privilège de passer cinq jours chez elles où j'ai pu prendre du temps pour moi, partager des repas, apprendre à traire des brebis et effectuer quelques petits travaux, nous balader dans la région.

Vous serez accueillis également si vous passez par là. Cependant, leur adresse se transmet uniquement de bouche à oreille ou par papier. C'est leur souhait.

Elles m'ont invité à laisser mon ordinateur au fond d'un sac, pas de connexion avec l’extérieur, pas d'horaire, pas d'obligations.

J'en avais pas l'habitude et ça m'a fait un bien fou !

Avant de partir, je leur ai posé des question :

(Par souci d'anonymat, leurs véritable prénom n'apparaissent pas.)

Clément : Que signifie pour vous l'autonomie ?

F :Tu connais Ghislaine Lanctôt?

Clément : Oui

F: Tu connais « que suis-je donc venu faire sur cette terre » ?

Clément: Non

C'est comme un CV où elle décrit ces étape quand on est dans l'ego. Comme quand on est séparé et puis, l'autre aspect.

Dans la partie séparée, il y a le mouton blanc qui se laisse tondre la laine sur le dos, qui est une victime, qui ne prend pas soin de lui. Il y a aussi le mouton noir, celui qui se rebelle qui fait des révolutions, qui veut changer le monde mais, il est dans une réaction.

De l'autre côté, il y a Renée, celle qui est re-née de ça. C'est ces 4 étapes de je suis dépendant. Et je ne veux plus être dépendant car je souffre quand l'autre n'est pas disponible. Quand l'autre est disponible, ça va mais, il n'est pas disponible tout le temps.

Comme je suis blessé dans cette dépendance car la partie de moi qui est différente et unique ne peut pas s'exprimer, on bascule dans l'indépendance. On ne veut plus dépendre et on passe du mouton blanc au mouton noir. Encore une réaction. Comme ça m'a beaucoup inspirée, ce que j'essaie de faire ; c'est l'autonomie. C'est à dire, le passage vers un autre paradigme. Quitter le monde de la dépendance ou de l'indépendance pour passer dans l'autonomie et l'interdépendance.

Moi, je cherche pas l'autarcie, à me couper du monde et à vivre seule. Je cherche à trouver une sécurité en moi dans mes capacités à faire un certain nombre de choses en interdépendance, en interaction. C'est pour ça que je suis contente quand des gens viennent, que je peux échanger, que je vais acheter ma farine car, je ne peux pas la produire moi même mais, que je peux produire quelque chose que je peux échanger. Sinon, je limite mon monde à seulement moi et mon connu. Ça ne fait pas longtemps que j'ai trouvé cet espace en moi. C'était en 2007, 2008 dans la matière, ici (où je vis) avec cette autre femme qui ne travaillait pas sur la ferme et j'ai dû me débrouiller toute seule. Jusque là, je comptais beaucoup sur les autres, sur mon mari, mes parents, sur M(L'autre femme qui est dans la ferme) parce que je pensais que je n'avais pas la capacité de faire ça seule et ça me mettait dans des situations de dépendance. Après, j’essayais de sortir de ça. D'arriver à trouver cet espace d'autonomie, d'arriver à être capable de faire seule les choses, en ayant le choix de le faire seule ou avec quelqu'un. De ne pas être obligée de le faire avec quelqu'un ou obligée de le faire seule. De sentir qu'en moi, quand l'autre a dit non quand je lui demande de m'aider, ce n'est pas : « mon monde s'écroule et je me sens impuissante ». C'est : « j'ai des ressources personnelles ou je peux chercher des ressources ailleurs ». Du coup, ça ne crée pas une chose qui nous lie de Façon qu'on ne soit plus libre.

Je cherche la liberté pour moi et pour l'autre dans toutes les situations.

Donc, l'autonomie c'est : « J'ai trouvé en moi les ressources et je suis connectée à moi et à mes capacités ».

Après, je peux échanger ça depuis ce plein chez moi, pas depuis un demi qui cherche un autre demi pour faire un.

Clément : Peut on remplacer inter-dépendance par collaboration ?

F: Pour moi, la collaboration est une façon de vivre l'interdépendance.

Clément : Il y aurait donc plusieurs Façons de vivre l'interdépendance ?

F: J'imagine qu'il y a d'autres façons, oui.

J'ai trouvé l'autonomie dans la matière en 2007, 2008 mais , je ne l'avais pas affectivement

Clément:Et pour toi M ?

M: Pour moi, elle a tout dit...

C'est une façon de protéger la terre, si j'entre dans la dépendance de quelque chose, et bien je devrai faire...,l'autonomie, c'est une sorte de liberté.

Je peux choisir.

Clément : Tu veux dire que c'est un choix qui vient de toi et que tu n'est pas tirée par des obligations, des gens qui ont besoin de toi ?

M: Je l'ai fait à un moment donné, j'ai travaillé à la Migros et j'ai arrêté après sept ans où je travaillais vite, je marchais vite, je mangeais vite, je faisais tout vite. Jusqu'au jour où, j'ai fait ça tellement souvent qu'il n'y avait plus rien de moi dans ce que je faisais.

Par exemple, quand il y avait des actions, je devais faire des présentations où on recevait des feuilles pour mettre tel produit sur telle étagère avec tel espace, tout était écrit à l'avance.

Clément : Tu m'avais dit que tu avais des codes pour les fleurs et que tu ne connaissais pas le nom des fleurs mais, que tu connaissais les codes par cœur.

M: Je connaissais tous les numéros d'article et de marchandises de la migros. J'ai appris là dedans. Mais à un moment donné, il y a eu quelque chose de plus fort, comme si j'avais envie d'être dehors, c'est pas en continuant de faire ce qui est là que j'allais faire ce que j'aime.

Clément : Et comment vivez-vous cette autonomie concrètement?

F: Moi, j'ai un avantage, c'est que je suis autodidacte.

J'aime apprendre en direct avec la chose, je vais me mettre devant le tabouret avec le pied cassé et je vais chercher des stratégies.

Tu vas chercher la créativité à l'intérieur de toi et parfois, à l'extérieur mais, avec tes propres ressources, tes propres moyens et tu vas apprendre, tu vas grandir avec ça. Et moi, j'ai cette capacité.

Quelqu'un m'a dit une fois : « pas tout le monde est autodidacte », c'était une enseignante et elle faisait ce qu'elle appelle : des éducatifs. C'est à dire, pour apprendre un mouvement, je regarde la personne et je vais essayer pendant un moment et à force, ça va venir. Elle, elle leur disait : vous imaginez que vous avez un gros ballon entre les mains et tout de suite c'est plus simple !

Pour moi, ça vient assez facilement mais, il y a des gens, si tu ne leur dit pas, ils vont y passer des plombes. Ensuite, chacun dans notre domaine... Là, c'était dans le corporel. ça peut être dans la musique, de plein de façons, c'est des éducatifs, des outils pédagogiques pour qu'on évite de passer tellement de temps à expérimenter.

Moi, je n'ai pas besoin de ça ! Même, j'apprends mieux toute seule t j'aime ça, j'ai de l'intérêt pour beaucoup de choses., ça me perturbe la façon de l'autre et ses trucs !

Donc, concrètement comment je le vis, par exemple, j'ai envie de faire de la permaculture parce qu'on m'en a parlé. Je vais chercher des informations, faire des buttes, une moitié avec de la paille et l'autre moitié sans, pour voir ce que ça donne. Comme ça, je vois si mes carotte poussent mieux sans que avec. Après arrivent les limaces. Alors, comment je gère les limaces ? je cherche des infos je me renseigne et profite de l'expérience de l'autre et après, j'ai des canards car ils mangent beaucoup de limaces.

Clément : Tu les lâches dans le jardin ?

F: Au tout début, avant qu'on sème mais, déjà si ils font une razzia autour, c'est pas mal. Mais après, comment ce que s'en occupe ? Comment les nourrir ? Comment faire quand ils font des petits ? C'est toute une chaîne...J'ai des brebis et arrive le moment de la tonte. Comment on fait ça ? Comme j'ai envie de me débrouiller par moi même, de ne pas dépendre de quelqu'un... Une fois, je passe devant quelqu'un qui tond des moutons alors, je regarde comment il fait et ensuite, je m'achète une tondeuse et j'essaie. C'est dur puis, je blesse une brebis alors, je cherche quelqu'un qui tond des brebis et je reviens l'année d'après...J'essaie d'apprendre comme ça, en me mettant en contact avec ceux qui savent et avec l'expérience à faire. Il y a un appel . J'aimerais savoir faire ça et je mets des moyens en place pour acquérir cette nouvelle connaissance.

J'ai envie de faire du fromage parce que ça m'embête d'en acheter dans une grande surface et dépendre de quelqu'un d'autre qui va le faire. Ce ne sera pas à ma façon, pas à mon goût alors, je vais essayer de développer. Des fois, j'y arrive pas. C'est un métier, c'est toute une vie. Alors, je renonce et j'utilise quand même un professionnel. Je lui achète son fromage ou je lui fais faire la fenêtre. Mon père me disait : « si quelqu'un peut le faire, pourquoi moi je ne pourrais pas ? »

J'ai toujours cette vision que, j'ai en moi toutes les compétences pour les ressources.

Pour moi, ça a du sens de faire tout le travail de la laine. Donc, j'ai appris à tondre, à laver, a trier la laine et toute les information viennent quand on est ouvert et qu'on a envie. Puis j'ai appris à carder et je me suis acheté un rouet.J'ai appris à filer. Après, j'ai appris à teindre. Cet été, j'ai envie d'apprendre le bleu et vert...

Clément : En résumé, tu n'as pas tout posé d'un bloc, c'est arrivé petit à petit. ?

F: Oui, ça s'est construit, vraiment. Je pense que ; ce désire de pouvoir me débrouiller me vient du fait que j'ai un grand besoin de sécurité. Je me sens en sécurité quand je maîtrise la chose en question. Ça veut dire que j'ai les compétences et les connaissances suffisantes pour ne pas dépendre de quelqu'un d'autre. Tout ça me sécurise, si il n'y a plus de Migros, je ne vais pas mourir de faim !

M: Pour moi, le grand défi dans ma vie est la communication mais le reste, manger, avoir un toit, c'est naturel pour moi. Quand je voyageais avec mon âne, c'était comme ça : « Je marche, il va pleuvoir, tu vas trouver un toit. Tu as soif, tu y penses même pas, il y a une fontaine, tu as faim, tu n'as pas à manger avec toi et quelqu'un t'invitera ici. »

Clément : Tu as une confiance absolue en ta bonne étoile!?

M: Pour ça oui mais, pour la communication... Depuis des années, j'essaie, j'essaie et j'apprends un petit peu.

Clément : Le fait que tu ais voyagé vingt ans avec ton âne sans argent m'impressionne !

M: Oui mais la communication était réduite au minimum.

Clément : Quant à mon voyage, avec tout ce que je transporte... et j'ai préparé tout ça des mois à l'avance et toi, tu pars comme ça avec ton âne !

M: Oui, moi j'avais juste préparé le fait de comment je vais marcher, j'avais envie d'être dehors. J'ai aussi pensé au vélo mais, le vélo, pour arriver dans une ferme, pour passer par les chemins, les sentiers, je me disais : « J'ai juste à marcher et mon âne portera tout. Comme ça, je pourrai marcher aussi longtemps que je veux. »

Je voulais être libre dans la nature.

Après neuf ans et demi, un matin, j'ai décidé d'arrêter de travailler à la migros. Le soir d'avant, je ne savais pas que ce serait ce jour là. C'était décidé et personne au monde n'aurait pu me faire changer d'avis !

F: Elle est dans une forme de présence tellement subtile à l'environnement et à elle même que c'est ce qui m'a touchée chez elle. Elle n'avait pas besoin de parler et moi, j'avais la capacité d'aller me connecter là. Je formulais et elle me disait : Oui oui, c'est ça.

M: Elle parlait à ma place quoi !

F: Elle apprend à verbaliser ce qu'elle vit et moi, j'apprends à me connecter à cette présence à soi.

Clément : Vous vous complétez super bien du coup !

F:Oui mais, quand elle parle d'autonomie pour elle, c'est pas concrètement dans la matière avec la sécurité alimentaire. C'est plus dans la capacité à arriver à interagir avec l'autre pour pouvoir cohabiter et éventuellement travailler, obtenir du soutien. Ce soutien matériel qui permet de faire les choses seule ou ensemble mais, depuis cet espace relationnel où on est autonome et ouvert.

M : Tout ce qu'elle dit, je le vis mais, j'arrive jamais en parler aussi clairement et là, ça fait tellement du bien d'entendre aussi clairement des choses que j'aimerais bien le dire aussi ! Des choses que je vis, que je ressens...J'avais jamais eu ça dans ma vie et les interactions entre deux ou trois personnes, c'est tellement beau quoi !

Clément : Comme quoi c'est large comme question, l'autonomie !

Comme l'autonomie et la nature sont les deux axes de mon voyages, je vous demande : quel est votre lien avec la nature ?

F: J'ai passé mon enfance à Lausanne. Quand j'allais au gymnase, à trente minutes de vélo, je jouais à regarder si dans mon champ visuel il n'y avait rien d'humain, que de la nature et je ne trouvais pas ça. Il y avait toujours un poteau électrique, une maison, une voiture.

Ça me manquait d'être juste immergée en pleine nature sans voire quelque chose de pollué ou de douloureux, qui ne nourrissait pas la vie en moi.

Mes parents avaient un chalet et tous les week-ends, on y allait. Ça me permettait de respirer. Ensuite, je revenais et je supportais la ville pendant une semaine mais, en sentant que ce n'était pas juste pour moi. Physiquement, j'avais de l’asthme, je n'étais pas bien.

Pour moi, la nature c'est vraiment ce que je suis, là d'où je viens et c'est quelque chose qui me met profondément en lien avec la vie.

J'ai vécu des relations un peu douloureuses avec d'autres êtres humains. Par rapport à des incompréhensions, la communication difficile, j'avais ma part de responsabilité mais, je trouvais que dans la nature, c'était tellement reposant... Un arbre ne va pas te dire : « Mais pourquoi tu n'as pas fait ça ? À Quelle heure tu rentres ? »

Lui, il est là. Tel qu'il est. Et toi, tu es là telle que tu es.

Ça me permet juste d'être ce que je suis, sans avoir à me justifier, répondre à des questions, être autre chose pour faire partie du groupe, pour être acceptée. Humainement, c'est important de faire partie du groupe, on est des êtres sociaux, une abeille toute seule, elle meurt et moi, j'ai aussi ça en moi.

Et après, la façon dont j'ai vécu le fait d'être seule m'a blessée et je me suis fermée. Avec la nature, j'ai pu m'ouvrir.

Clément : Tu veux dire que quand tu es dans la nature, tu permets à ta propre nature d'émerger ?

F: Oui, et comme tu as pu l'expérimenter avec les bêtes, tu es obligé d'être là. Tu vois tout de suite quand tu pars dans tes pensées, dans un monde abstrait.

Tu trais une brebis et tu penses « ha tiens, après j'irai faire le feu » Et là, tac, la brebis te fout un coup de pied ! Ça me ramène à juste être ici et maintenant, ici et maintenant. Ça change tellement et tu n'a pas de pouvoir sur ça, tu ne peux pas contrôler tout ça. C'est une invitation permanente et pour moi, la plus directe à être dans l'instant présent. Toutes les théories spirituelles sur vivre le moment présent, pour moi dans la nature, ça vient automatiquement parce que j'ai pas le choix d'autre chose.

M: C'est comme avec la chaise à traire à un pied, là tu peux pas dormir !

Rires.

Clément : Donc, tu ne peux pas traire une brebis en mode automatique ?

F: Si, mais tu es plus vite rappelé à l'ordre que devant un ordinateur. Une fois que ton bidon de lait est renversé... ! C'est comme si, la conséquence de ta façon d’interagir se voit en direct. Moi j'aime ça et c'est beau !

Pour moi, la nature, c'est vital. J'ai gardé ma petite fille dix jours à la Chaux-de-Fonds et je sens en moi comme ça sort, comme ça se vide et après ça fait long à revenir. Ça m'est arrivé de rester des mois ici sans même aller au village et ensuite, je suis allée chercher quelqu'un à la gare de Genève.J'ai cru mourir ! En plus, il pleuvait, il y avait du brouillard, c'était tout gris avec que du métal ! Tu vois, des trucs pas vivants, j’étouffais !

M: Pour moi, le plus vieux souvenir, c'était quand j'étais à l'école et qu'il faisait beau dehors.

F: M grandi dans un petit village, plus proche de la nature et elle a gardé ce lien plus proche, moi j'ai grandi en ville et mes parent n'étaient plus en lien avec la terre. Pour retrouver ça, j'ai travaillé dans des fermes étant ado.Il n'y a que là que je me sentais bien. Je trouvais que ça avait du sens, que je ne me fatiguais pas. Au contraire, l'énergie circulait.

Clément : Merci à vous deux. Comme quoi deux questions, c'était déjà beaucoup ! (rires)


bottom of page